Ce n’est pas nouveau et bien des études existent sur le sujet.

Les entreprises perpétuent ces processus d’un autre temps. Mais à bien y regarder certains managers et collaborateurs n’en peuvent plus. Ils rejettent ce genre d’outils qu’ils considèrent dépassés et inutiles.

Un constat : Plus l’entreprise est éloignée de ses collaborateurs et plus elle rentre dans le « command and control ».

Nous assistons alors à des « processus polis » vous savez, ces processus que l’on fait car il faut les faire. « Dis Marcel tu peux remplir ta feuille dans le système car j’ai la pression d’en haut et là on va tous se faire rappeler à l’ordre ».

Mais alors à quoi servent les processus de ce type si le seul KPI est d’atteindre la « complétude » ou les 100% ?

Les entreprises qui ont compris cela ont remplacé le traditionnel entretien annuel par des approches alternatives plus adaptées aux nouveaux enjeux du management. Quelles sont ces nouvelles méthodes et quels résultats peut-on en attendre ?

Avant cela regardons la réalité de bon nombre d’entreprises :

Un outil inadapté au contexte actuel, chronophage et dispendieux.

Le titre de l’outil signe son côté « has been »; EAE (entretien annuel d’évaluation), EAP (entretien annuel de performance), entretien à mi année etc.. L’outil n’est plus adapté à la complexité et au rythme des entreprises d’aujourd’hui.

Les entreprises souhaitent plus d’agilité, de souplesse, de capacité à faire tourner l’organisation dans la direction attendue à un instant « t » et le plus vite possible. Qu’est ce qui est encore « annuel » dans le monde réel ?

Le modèle SMART qui fut très longtemps un des programmes de formation les plus vendus des organismes de formation, démontre désormais sa complexité et son inadéquation avec l’agilité attendue.

Graver dans le marbre (ou le logiciel de gestion des talents), les objectifs de l’année en prévoyant de se revoir à mi-parcours est certainement une très bonne chose pour une partie de la population mais créateur de frustrations, de complexité et de désengagement pour certains autres.

D’autant plus quand vous rencontrez des personnes qui vous disent n’avoir pas eu d’entretien depuis plusieurs années ou des entretiens qu’ils ne qualifient ni d’évaluation ni de performance mais de simple discussion très éloignée des objectifs et réalisations du collaborateur.

Quand le constat est fait, il est déjà trop tard.

L’étude Deloitte sur les tendances RH 2019(1) précise que seuls 8% des répondants ont mis en place une évaluation en temps réel ou a minima trimestriellement, alors qu’ils sont 70% à considérer qu’ils devraient le faire.

Les deux axes privilégiés sont l’accroissement de la fréquence des entretiens (53%) et la transformation de l’entretien de performance en entretien de développement (58%).

Dans un article paru dans les Echos start de décembre 2018, celui-ci indiquait : « Ce rendez-vous ne correspond plus aux attentes ni des managers, ni des collaborateurs, ni des responsables en ressources humaines » analyse Philippe Burger en s’appuyant sur l’étude de Deloitte sur les tendances RH 2017. 95% des managers interrogés ne sont pas satisfaits du système d’entretien annuel. Entre 60 et 70% des employés considèrent que c’est une perte de temps. Et 70% des responsables RH estiment qu’il est inefficace.

Au cours de ces dernières années j’ai été amené à accompagner des entreprises sur ces sujets et voici quelques verbatims que j’ai pu glaner selon 3 catégories de personnes interrogées :

Dirigeant : « je sais que ce n’est pas clair mais comment faire mieux ? » ou « Si seulement tous les objectifs donnés étaient tournés vers ceux de l’entreprise »

Manager : « chaque année ça me prend un temps que je n’ai pas, et puis ce n’est pas si simple ! » ou « On fait simple et on s’arrange en fin d’année »

Collaborateur : « comme chaque année je ne suis pas d’accord et ma prime je ne l’aurais pas à 100% » ou « Mon manager n’a rien voulu écouter de tout ce que j’avais fait en plus des objectifs assignés, j’suis …..»

En effet, outre le fait que l’exercice est chronophage et compliqué, les salariés fonctionnent de plus en plus en mode projet et attendent des retours rapides et réguliers sur leur travail.

L’évolution et l’inversion de la pyramide des âges a eu un impact fort sur de nouvelles attentes managériales.

Mettre en place un entretien annuel est de plus en plus vu comme un jugement et cela fausse finalement l’intérêt initial de la démarche et le rend contre-productif.

Alors que faut-il changer ?

Cela dépend vraiment de ce qui est attendu. Si l’entreprise souhaite remettre du sens et entendre la VOIX des employés, alors il faut un changement radical de démarche.

Le manager doit investir le champ du sens et de sa stratégie et savoir identifier et présenter clairement à son équipe pourquoi ils vont réussir ensemble, bien plus que de leur expliquer ce qu’ils doivent faire pour réussir.

Il doit clarifier les règles du jeu de son équipe et s’assurer que tout le monde est en accord.

Il doit mettre en place un principe de transparence où chacun comprend sa contribution et celle des autres quant à l’atteinte des objectifs de l’équipe.

Pour ajouter à cela il doit accepter l’idée que des objectifs de départ peuvent être aussi « V.U.C.A* » que l’est l’entreprise et que la performance peut se mesurer autant sur l’agilité que sur l’atteinte systématique des objectifs individuels.

Pour cela il doit mettre en place un modèle d’entretien plus vertueux et plus fréquent avec un principe de suivi continu en équipe plus responsabilisant.

La méthode FAST peut être une alternative intéressante à la méthode SMART

Du feedback permanent au feedforward.

Un point essentiel pour réconcilier management et engagement surtout dans des équipes ou la courbe de génération Y-Z est majoritaire.

Les managers sont incités à travailler de plus en plus leur capacité de feedback. Néanmoins il a été démontré que les entreprises qui pratiquent le feedforward en équipe et sans hiérarchie sont plus performantes. Accepter de donner et accepter de recevoir est la condition sine qua non à un système vertueux. Le feedforward est à l’opposé du feedback et permet à chaque personne souhaitant donner un avis éclairé de se positionner sur une démarche tournée vers le futur, contrairement au feedback.

L’impact du feedback est souvent limité et n’engage que peu l’individu qui le reçoit vers un changement. Discuter de la situation ou du comportement passé n’a pas toujours de valeur ajoutée à l’intervention ou au changement souhaité.

A contrario, la technique du feedforward consiste à formuler des options ou des solutions tournées vers l’avenir, sans revenir sur le passé.

Un bon feedforward sera donc basé sur trois règles principales :

  • Pour l’émetteur : rester positif et se concentrer sur la cible et non le passé
  • Pour le receveur : accueillir et ne pas juger, tel un cadeau qui nous est fait.
  • Émetteur un jour receveur un autre jour

Il appartient donc au manager de mettre en place ce rituel au sein de son équipe sans que le principe de hiérarchie n’intervienne dans ce processus.

Évaluation ou développement ?

A l’heure où les softs skills sont devenues un facteur différenciant dans les entreprises, il est préférable pour le manager de clarifier le contenu de l’entretien individuel, basé sur les compétences et comportements au sein de l’équipe.

Juger d’une performance passée est un exercice de justification difficile pour les deux parties et il est rare d’entendre des managers dire « je m’en suis sorti très bien et il est content ».

Juger de la performance sur une trop longue période rend les choses stériles et frustrantes et force le manager comme le collaborateur à rassembler toutes les « preuves ».

A contrario, animer des réunions de performance d’équipe permet à chacun de développer des comportements de collaboration et de camaraderie propice à l’amélioration de l’engagement des collaborateurs.

Le graal est de passer d’une méthode d’alcôve à une méthode plus informelle et collaborative où les managers ont besoin d’un réel accompagnement pour réussir ce changement.

Dans ce nouveau rôle, le manager se doit de mieux maîtriser l’intelligence émotionnelle et développer les principes de collaboration au sein de son équipe pour les rendre acteurs autonomes et engagés. Il doit savoir identifier quand être coach, quand être manager et savoir pratiquer l’écoute active.

Cela ne doit pas remettre en cause des temps plus personnels et individuels tournés sur l’avenir de son collaborateur. Ces moments sont forts en motivation et reconnaissance et importants pour l’équité individuelle. Gageons que le gain de temps lié à la suppression des entretiens individuels lui permettra de s’investir dans ces temps plus « rewarding »

Les transformations ne doivent pas passer du tout au tout et la part de reconnaissance individuelle doit garder une place dans la mesure de la performance et dans la reconnaissance de l’individu.

* VUCA : Volatile, U incertain, Complexe, Ambigu

1 Source 2019 Deloitte Global Human Capital Trends